mardi 26 novembre 2013

Une nouvelle en deux parutions



 « Tu ne pouvais pas laisser tout ce bordel là bas, 

 la gare de Nantes

La gare de Nantes dimanche après midi comme tous les dimanches , depuis ? On ne les compte plus…Dans nos petites poches les jetons du nain jaune pour compter qui gagne à notre jeu  de la gare :« qui attend qui ? ». Nous restons toutes les trois dans  l’habit de la messe de 11h à l’église Saint Clément. Chaussures vernis et chapeau.de velours. 
 



Train de Marseille, bondé. Nous avons bien observé les attendants.  Maintenant frénésie : la mise en recoupement de ceux qui arrivent avec les autres dans le hall de la gare d’arrivée. Au loin , un homme en képis tenue de défilé avec une valise et un porteur avec une grosse malle. Le loin se rapproche. Le mouvement devient ralenti. Silence sur le banc. Chacun cache son cœur. Petit regard de côté des unes sur  les autres. Est-ce que la mère a souri ? Est-ce qu’on y croit cette fois là ? Le militaire ne regarde personne sauf quelques regards sur le porteur et la malle. Il avance déterminer vers la sortie, les pensées en lui. « Il ne s’attend pas à être attendu celui là ,  dit l’ainée Titine .je veux mon jeton  , j’ai raison ».Le jeu est mou , l’effervescence est tombée. La petite : «  pourquoi on ne joue pas comme les autres dimanche, maman ? » La mère « enfin un poisson au bout du quai. » Les filles : « qui ? » La mère «  Je sais pas ». Pompon « Qui gagnera ? Qui donnera à manger au dromadaire du jardin des plantes ? Est ce qu’on aura une glace deux boules ou un paquet de cacahouètes si on joue pas ? »  L’ambiance sur le banc est grouillante comme un vivier de truites à l’heure de la pâté. La mère électrique, prête à taper comme quand on mange sur la terrasse et qu’il y a des moustiques .La mère ironique se moque : «  celui là a l’habit du 14 juillet et nous sommes en début décembre, y a pas de fêtes nationales à cette saison. Elle l’observe :   Sa perme définitive ? Comme c’est un veinard ! On l’a décoré en plus. Il y retourne  plus . L’ainée Titine : «  tous les troufions ne sont pas à la guerre , il y a obligatoirement les planqués » La mère : «  il ressemble à Humfrey Bogart comme votre papa.. Les filles : « l’armée  nous l’a redonné vivant, ah . » La mère a des larmes partout qu’elle retient. Elles attrapent les mains de ses filles . Elle les serre fort. Le militaire est devant le banc. « C’est papa ?». « Oui ma chérie, c’est ton papa ». La mère a du mal à parler, les mots sortent difficilement. Le père :  « Rentrons vite à la maison mes chéries, au chaud entre nous, dans nos murs ». Le père prend la tête du peloton, la mère ferme la marche, les deux filles se tiennent par la main . Il hèle  un taxi, charge dans le coffre la lourde malle et sa valise. Sous son bras il garde son porte document en peau de serpent.
« Tu ne pouvais pas laisser tout ce bordel là bas,  cette malle ! » dit la mère. Le père : « Montez. Je me mets derrière avec les petites. Montre la route. »
-              La mère sur un ton péremptoire et rugueux : «  tu as oublié ? Et,  si on n’avait pas été là ? t’as même pas l’adresse ? Oh ben non, suis je bête, vu le courrier  que tu nous as envoyé. »
-              - S’il te plait,  Mémère ma mission n’est pas encore  terminée. J’ai  des choses à rendre. Parle sur un autre ton, la guerre est dans la malle. Pas ici.
La mère buffe comme si c’était  le bruit de  l’étouffement de mots de tous ses mots en réserve. Le père est au milieu de la banquette,  il a écarté ses bras pour tenir ses petites contre son corps .Il avait oublié  dans le djebel, combien sa chère femme avait l’abrupt comme colonne vertébrale. Il est mal. Une image du voyage tourne à l’obsession dans sa tête depuis  ce mot « bordel » sur la malle de la dépouille de ses gars. Il réalise qu’il a halluciné en voyant tout le long de la voie dans les  ralentissements du train, entre le sommeil et la veille, des gens en  un petit groupe dont un  vieil homme campé avec un bâton. Ils vociféraient tous, après leurs lèvres closes, seuls leurs yeux disaient leur même phrase «  rendez les nous, rendez les nous ». Il se cramponne  à la chaleur des petites mains qui se sont posées sur sa poitrine, aux  petits yeux qui le regardent timidement avec juste la prémisse d’un sourire. La petite dit : « Noël est tôt cette année »
- pourquoi ma petite Pompon ?  dit le père
-              je lui ai écrit une lettre. Je lui ai demandé qu’il me renvoie mon papa de là bas. Mon chausson de Noël il est à raz bord. Nous sommes que le premier dimanche du mois de  Noël.


coeur de Ramalane photo de Ramalane

 sous la direction


de Julie Deffontaines


Françoise Pain la Mangou
  nom de Frankie Pain  auteure



la suite  après demain


Tchao



de
John Everett MILLAIS

Frankie
 

8 commentaires:

  1. Et Pompom sauve le père avec cette belle histoire de père Noël ! il en faudra du temps à la mère pour oublier l'absence et la rancœur...les maux font si mal parfois !
    gros bisous Frankie

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  2. merci Josette de ta grande sensibilité de lectrice et de la perception" il en faudra du temps à la mère pour oublier l'absence et la rancœur...les maux font si mal parfois !"

    merci chére Cachette de la Josette.. et vive Edmonde de ce matin

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  3. de Sophie Garance @

    .. La nostalgie inonde ton écriture, c'est épatant comme tout. Merci de ce beau texte, entre souvenirs d'enfance et accomplissement adulte, ton travail est riche, comme toujours. Je viens de relire la première partie sur ton blog et j'aime bien mieux à le lire ainsi dans ton cadre. Je t'embrasse très fort Mamadouce à moi,

    merci chére Sophie : entre souvenirs d'enfance et accomplissement adulte c'est un des axe que porte le narrateur obnitient.
    et c'est joli le lire dans son cadre;
    le blog devenant un cadre c'est une belle ,vision du blog l'écrin pour des mots sortis de l'alambique la joie d'avoir une très belle direction aristique par Julie D.
    y est pur beaucoup , dans certains domaine on ne grandit pas seule
    à très bientôt sophie


    @ annajo
    merci du temps que tu as consacré à la lecture de cette nouvelle.
    et de tous les détails de ta lectureet de tes perceptions , le fil rouge entre nous Paris et la Malaisie

    touhjours présentes toutes les deux sur le blog

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  4. Merci pour ce partage Frankie, toujours ce merveilleux ordinaire sortant... de l'ordinaire. Propre à la magie de tes mots. On ne grandit pas seul, tu as raison. Je suis heureuse de grandir avec toi.

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  5. J'ai lu. Deux fois, trois, quatre, je ne sais plus. Je ne suis pas certain d'avoir tout bien compris, je vais relire encore.

    Mais quelle importance, que je comprenne ou pas ? Je me suis fait ma propre histoire avec vos mots. Normal, c'est toujours comme ça. Et puis je ne suis pas vite sur mes patins. Mais là aussi, quelle importance ?

    J'ai trouvé ce texte d'une épouvantable tristesse. Oui, il faut que je relise encore.

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  6. vous me touchez beaucoup annajo et roger et ce soir je mets la suite , alors Roger accroche toi mais sache que lamémoire des êtres est une des responsabilités d'un auteur et c'est ainsi que l'on sait que cacun se coltine ses guerres et que parfois dans l'autre il ne perçoit pas toujours à quel combat ondoit affrontzer je vous embrasse avec toute ma tendresse de femme encore là comme cet homme aprés ses guerrs. gros bisous et un petit coup de Gigondas

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  7. Une histoire touchante que celle du père qui reviens de la guerre, mais le temps change les êtres. Je reviens pour la suite.

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  8. Bonsoir ma Frankie.
    Je vais aller lire la suite de suite.
    Je t'embrasse bien fort.
    Belle nuit.

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