jeudi 18 février 2010

La "morjevat" (suite)






ventrale, l’air chargé d’iode l’euphorisait. Elle n’était pas dupe d’elle. Le coup de fil avait transfiguré ce repos.

« ô Illusion !
Creuse ton sillon,
quelques instants.
A la marée d’un soir
je te remettrai à la mer.
Soit une soumise, captive
A nos tourbillons interdits
que je goûte à satiété
ce frisson surgissant
de la nuit de mes temps d’exil
en grande métropole »


Fransèva sentit en elle, montait de très loin un sanglot. Depuis son opération il lui était interdit de pleurer. Elle avait découvert dans ce grand peuple slave, une face de ses origines. Plus que jamais, elle savait que rires et pleurs étaient les os surnuméraires de son alphabet, sa clé de sol de chaque moment intense de sa journée. Ponctuation. Elle accompagna le sanglot afin qu’il ne se dissolve pas avant son éclosion. Et de l’écriture du pleur, accueillir son sens, la parole qu’il livre. Pendant cette concentration, elle n’avait pas remarqué, en haut de la falaise la longue charpentée silhouette à la parure argentée.

Il observait cette étrange scène au rythme d’un No japonais, elle lui évoquait l’œuvre de Novalis donnée à la base sous marine de Bordeaux ! Une nouvelle version de la Mathilde de l’auteur .Il se sentit voyeur, refusa cette pensée, il rejoint la maison ; sa patiente arriverait bien « groguie » à rejoindre son logis .

La nounou du lieu était aussi dodue que sa patronne. L’ébène, sa carnation contrastait à la peau laiteuse de Madame. Gladys lui proposa d’attendre devant le feu de cheminée. Il choisit la méridienne. Il s’allongea, les genoux repliés, la tête bien callée dans le coussin en noyaux de cerises. La tension de sa nuit de garde s’affala comme voile qu’on retire sous un coup de Mistral . Gladys portait des lentilles vertes, ce détail le transporta dans le paysage de femmes éthiopiennes : souvenir cartes postales de son service militaire sur le Foch, ses escales à Djibouti. Il devait partir au front à Constantine. La guerre avait cessé, son affectation changea.

La chatte égyptienne de la maison l’extirpa de sa somnolence voyageuse. Elle le toisa de son ardente pupille. Sa maîtresse n’a rien a lui enviée de sa vivacité, malice. Rien de ce bastingue là. Elle s’installa dans le Voltaire, au front de la cheminée. Le ronron de l’égyptienne tissait la mélodie apaisante avec les bruissements, crépitements du feu. Il se rappela l’éveil de sa patiente une heure après l’opération l’apercevant, le hélant, Docteur, Monsieur … . Elle, si sauvage pour la saisir et l’entretenir de son mal, l’appelait comme l’oie de Gonrad Lorenz avant qu’il invente le concept de « l’Empreinte ». Il n’y a pas que sur l’écran du Max Linder qu’une artiste interprète dramatique déploie ses volutes imbibées du sens universel. Quel baba au rhum cette prosodie, le « lac des signes »de l’essentiel, interprétait par Pina Bausch. Lui passionné de jazz avait entendu la voix de la trompette de Miles Davis dans « Ascenseur pour l’échafaud ».

La visiter chaque jour, lui fut aisé, ouvrir sa porte était tendre le nez au vent dans sa villa Guimard à Ions sur mer. Jamais la même aquarelle. Du même auteur. « Surprise » disait sa dernière petite fille. Ouvrir le ventre d’une actrice c’était faire de la neuro-chirurgie : son premier cerveau ; le cloaque des rumeurs de tous les personnages incarnés, le cimetière d’une Hécube de la guerre le Troie, le sang des Alcibiades, les Atrides ; les Virginia Woolf et « Qui en a peur »; le voyage au centre de la terre de Jules Verne, la rencontre de l’Hermite de Novalis dans la grotte …
Pénétrer son alambique :(suite samedi)
Du transibérien
Du mercredi 20 au 30 janvier 2010
D’après le récit d’Eliéva avec Sergeuï , Ivan, Edmond, Nardo , Nouk, Renée, Anne Marie,
Annouska, La Kaïna Annouska, La Kaïna, Paulette , Aïcha, Sophia

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